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VISITE DOMICILIAIRE : l'Etat Belge n'a pas tous les droits !

Le 28 mars 2022
VISITE DOMICILIAIRE : l'Etat Belge n'a pas tous les droits !

Dans quel contexte le Fisc peut-il procéder à des visites chez le contribuable ?

Sur base d’une information en provenance d’un Etat étranger, l’Etat Belge a sollicité – auprès des Tribunaux de Police territorialement compétents – l’autorisation de visiter les domiciles privés des administrateurs de plusieurs sociétés en revendiquant l’application des articles 63, alinéa 3 du Code de la TVA et 319, alinéa 2 du CIR 92.

 

L’Etat Belge n’a pas jugé utile et/ou opportun de joindre à sa demande les pièces justificatives témoignant du bienfondé de ses allégations.

 

Les Tribunaux de Police ont toutefois accordé les autorisations sollicitées à l’origine de plusieurs visites domiciliaires.

 

Suite à ces investigations, l’Etat Belge a rectifié la base imposable à l’ISOC des sociétés concernées et a régularisé leurs déclarations de TVA.

 

Dans le cadre du contentieux TVA, par jugement prononcé le 26 septembre 2019, la 36ème chambre fiscale près le Tribunal de Première Instance du Hainaut, division Mons a annulé la contrainte après avoir considéré que l’article 63 du Code de la TVA avait été violé par l’Etat Belge sur base de la motivation suivante :

 

« (…)  En sa première partie, l’article 63 du Code de la TVA autorise les visites dans les locaux où est exercée une activité économique sans autorisation préalable pour contrôler l’application de la TVA.

 

Sont notamment des locaux où une activité est exercée les bureaux, fabriques, usines, ateliers, magasins, remises, garages, et les terrains servant d’usines, d’ateliers ou de dépôts.

 

L’article 63, alinéa 3 du Code de la TVA précise ensuite que les agents de l’administration peuvent dans le même but pénétrer dans les bâtiments, ateliers, établissements, locaux ou autres lieux non visés à l’alinéa précédent et où sont effectuées ou sont présumées être effectuées des opérations visées par le Code de la TVA.  Toutefois, ils ne peuvent pénétrer dans les bâtiments ou locaux habités que de 5 heures du matin à 9 heures du soir et avec l’autorisation du Juge de Police.

 

Le Tribunal considère que les locaux habités sont aussi des locaux où sont effectuées ou présumées effectuées des opérations visées par le Code de la TVA.

 

Aucune visite domiciliaire ne peut être autorisée sans que soit attestée ou présumée l’exercice au domicile d’une activité visée par le Code de la TVA. (…) 

 

Le Tribunal considère que la tenue de la comptabilité d’une société, par son gérant, n’est pas « une opération visée par le présent Code » au sens de l’article 63, alinéa 3, du Code de la TVA.  Une opération visée par le Code de la TVA est une livraison de biens ou une prestation de services au sens des articles 9 et suivants du Code de la TVA.

 

L’administration a demandé l’autorisation d’une visite domiciliaire dans un autre but que celui visé à l’article 63, alinéa 3 du Code de la TVA.

 

En effet, cette dernière disposition vise à vérifier l’existence d’une activité visée par le Code de la TVA et partant a vérifié les livres comptables se trouvant dans les locaux où s’exerce l’activité.

 

Partant, c’est à tort que l’autorisation de visite domiciliaire fut délivrée (…) ».

 

Suite à l’appel interjeté par l’Etat Belge, la 18ème chambre fiscale près la Cour d’Appel de Mons a confirmé, en date du 12 janvier 2022, la décision du Premier Magistrat en ajoutant également que les ordonnances des Tribunaux de Police étaient insuffisamment motivées au regard de l’exigence de motivation posée par la Cour Constitutionnelle, en vue du respect des articles 10 et 11 de la Constitution combinés avec l’article 6.1 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

 

A ce sujet, la Cour d’Appel de Mons s’est précisément exprimée comme suit :

 

« (…)  En effet, avant de mettre en œuvre les investigations dans un bâtiment qui répond à la définition de domicile au sens de l’article 8 de la CEDH, l’administration doit disposer d’indices sérieux et vérifiables que des éléments de nature à rapporter la preuve de cette fraude fiscale peuvent être trouvés dans le bâtiment concerné (…).

 

Or, la motivation de l’autorisation de visite domiciliaire ne permet pas d’apprécier s’il existait, au moment de la délivrance de cette autorisation, des motifs justifiant sa nécessité – selon les termes de la Cour de Cassation – et notamment que des indices préalables permettaient de considérer qu’une activité frauduleuse était exercée au domicile de (…).

 

Par conséquent, il convient de considérer que les renseignements obtenus à l’occasion de la visite domiciliaire opérée au domicile de (…) ont été recueillis de manière illégale et ne peuvent asseoir l’imposition litigieuse. ».

 

Cette jurisprudence rappelle ainsi à l’attention de l’Etat Belge qu’une visite fiscale constitue une ingérence par rapport au droit consacrant l’inviolabilité du domicile et le respect de la vie privée de telle manière qu’il ne peut y être recouru que moyennant le respect de conditions strictes.

 L. TRICART

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